Des jours ordinaires














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Chapitre 1 | Chapitre 2

Invasion


Disclaimers : fort heureusement, je ne possède rien de ce qui apparaîtra dans cette fic.

Chronologie : 84 bien avancé.

Imprécision habituelle : avec le nom du docteur. Je fais ce que je veux.

Notes de l’auteur : écrivons plutôt une petite vignette sans prétention. En deux soirées. La brièveté du texte trahit la vacuité du fond, mais qu’importe.

Pour Kaori. Cela avait été évoqué.



La première vague était passée inaperçue.

Insidieusement, l’ennemi s’était infiltré sur l’Arcadia à la faveur d’une escale prolongée sur une planète de la zone neutre. Le grand vaisseau vert y profitait d’un carénage et l’équipage, de vacances bien méritées. En ces occasions, la présence à bord était toujours réduite au minimum. La plupart des gars préféraient en effet se dénicher une chambre pour quelques jours plutôt que de subir en continu le martèlement des jets de nettoyage sonique sur la coque.

Durant le séjour, l’absence totale de troubles et la bienveillance (pour une fois) des autorités locales avaient relâché l’attention de chacun, y compris, Harlock était forcé de la reconnaître, la sienne. Les vérifications avant appareillage avaient de fait été un peu plus détendues que d’habitude.

Non pas qu’un contrôle plus strict eût changé quelque chose, d’ailleurs. Le mal était fait bien avant que le vaisseau pirate ne redécolle.

La deuxième vague frappa Harlock de plein fouet alors que l’Arcadia quittait à peine l’orbite.

— Oh, je suis désolée capitaine… Je ne vous avais pas vu.
— Pas grave, répondit-il distraitement.

Puis il ajouta après un temps d’hésitation :

— Tu t’es fait mal ?

Il était entré en collision avec une petite fille lancée à pleine vitesse en sens inverse lorsqu’il avait ouvert le sas du local technique attenant au hangar. Les lieux étaient inutilisés, comme une grande partie des locaux techniques de l’Arcadia, et servaient donc de soute à pièces de rechanges pour spacewolfs (et de débarras pour Tochiro, comme une grande partie des locaux techniques de l’Arcadia). Pour ce qu’Harlock en voyait, Lydia semblait également avoir décidé de le transformer en repaire secret.

Pour l’heure, la petite fille était étalée par terre après l’avoir percuté. Elle se releva les yeux humides, mais se mordit la lèvre inférieure et secoua la tête en un vigoureux mouvement de dénégation.

— Non ça va, capitaine. J’ai rien.

Elle s’était écorché le genou, remarqua-t-il. C’était toujours mieux qu’un bras cassé, mais le doc allait probablement encore lui faire des reproches.

— Tu ne devrais pas jouer ici, dit-il. Ce n’est pas très bien rangé et il traîne sûrement des tas de pièces coupantes et dangereuses.

Et explosives, songea-t-il, mais il n’osa pas le formuler à haute voix. Lydia risquait d’avoir envie de voir à quoi ressemblaient de telles merveilles. Ou pire, de le répéter à son grand-père.

La petite fille fit la moue.

— Je fais attention.

Elle étouffa un « aïe » lorsqu’elle plia le genou. Adulte et enfant baissèrent les yeux de concert sur la blessure. Le long du tibia, un filet de sang coulait d’un lambeau de peau arrachée et allait se perdre dans la chaussette blanche, désormais ornée d’une jolie tâche écarlate.

— Je te ramène là-haut, décréta Harlock.

Il se pencha pour la prendre dans ses bras. Là-haut… C’est-à-dire à l’infirmerie.
Harlock retint un grognement. Il avait horreur d’aller à l’infirmerie. Même quand ça ne le concernait pas. Mais bon, pour Lydia il pouvait bien faire une exception.

Ravie, la fillette s’accrochait à son cou comme un paresseux à sa branche. Au bout de quelques mètres, elle posa le menton dans le creux de l’épaule du capitaine.

— Il va être fâché grand-père, tu crois ?

Contre elle ? Non, probablement pas. Contre lui… Eh, ce n’était pas de sa faute cette fois-ci, merde ! Par prudence, Harlock décida toutefois de se débarrasser de son chargement à l’angle de la coursive menant à destination.

— J’te laisse là. Tu vas savoir marcher ?

Elle lui répondit d’un sourire éclatant avant de détaler à toutes jambes. Okay… Rien de bien inquiétant, en définitive (elle ne boitait même pas). Avec un peu de chance, le doc ne prendrait pas la peine de le poursuivre pour l’engueuler.
Harlock haussa les épaules. Avec un peu plus de chance, Lydia oublierait même de mentionner qu’il était pour quelque chose dans sa chute.

En attendant, il pouvait toujours se réfugier en passerelle.

La troisième vague l’atteignit une dizaine de jours plus tard.

Installé dans son fauteuil de commandement, Harlock feignait de s’intéresser aux courbes de navigation affichées sur l’écran tactique tout en fourrageant dans sa chevelure d’un geste machinal. La lanière de son cache-œil l’irritait sans qu’il n’en comprenne la raison. Elle n’était pas trop serrée, pourtant, il l’avait à nouveau réglée ce matin ! Il n’avait toutefois pas la moindre intention d’ôter son bandeau pour le bricoler en passerelle et se contenta donc de tripoter l’attache au-dessus de sa tempe avec insistance.

Du côté de la console de tir, le docteur Zero était en pleine discussion avec Tochiro. Harlock avait entendu « Lydia » plusieurs fois et avait décidé en conséquence de ne pas se mêler de la conversation – à chaque fois que le doc lui parlait de Lydia, il avait l’impression persistante d’être pris en faute, même lorsqu’il n’avait rien à voir avec le schmilblick.

— … l’horreur, disait le médecin. J’ai fini par en venir à bout, mais ces saloperies sont tenaces !
— Je croyais que la meilleure méthode, c’était de tout couper, répondait Tochiro.
— En dernier recours seulement. Les poux s’éliminent très bien avec les shampooings adéquats. Les lentes sont plus résistantes, hélas… J’en ai eu pour une semaine de lavages de cheveux biquotidiens, plus le peigne. Heureusement que je m’en suis aperçu juste après le décollage ! Elle n’a pas eu le temps de me refiler ses petits passagers clandestins, ni de les disperser dans tout le bord.

La main d’Harlock se figea derrière son oreille. Des quoi ? Non, attends, il y avait erreur. Il ne pouvait pas… Merde, il s’était juré de ne pas intervenir, mais il fallait qu’il en ait le cœur net.

— C’était avant ou après que je la ramasse dans les rechanges aéros, doc ? lança-t-il.

Le doc se tourna avec lenteur dans sa direction, le regarda longuement, puis jura.

— Putain de bordel de dieu.

Le médecin-chef de l’Arcadia prit une grande inspiration avant de poursuivre :

— Qu’est-ce que vous foutiez avec Lydia dans la soute à rechanges, capitaine ?

Harlock cligna des yeux. Ah, zut. Il fallait toujours qu’il se justifie de ce qu’il faisait avec Lydia, c’était pénible.

— Elle est tombée. Je l’ai ramenée à l’infirmerie.
— Vous n’êtes pas venu à l’infirmerie, capitaine, corrigea le doc. Je ne vous y ai pas vu depuis…

Le doc agita les mains d’un air agacé sans terminer sa phrase. De toute façon, Zero était toujours agacé lorsqu’il juxtaposait les mots « capitaine » et « infirmerie ». Même si la dernière fois, cela remontait à un abordage sur un cargo illumidas et cela ne concernait qu’une égratignure de laser sur la cuisse, se rappela Harlock. Il avait fait bien pire.

— Et vous l’avez portée pour la ramener, je suppose ? reprit le médecin.
— Si je ne m’étais pas approchée d’elle, je ne serais pas intervenu dans votre passionnante discussion, doc.

Zero se rapprocha du fauteuil de commandement. Une fois arrivé, il toisa quelques secondes Harlock de haut puis, sans ménagement (et sans prévenir), il agrippa une poignée des cheveux de son supérieur et en examina les racines.

— Bordel, conclut-il.

Le capitaine tenta un sourire ironique. Intérieurement, il n’en menait pas large. Ce n’était pas possible, bon sang !

— Je comprends que ce n’est pas bon signe ?
— Vous avez des démangeaisons ? rétorqua le doc. Principalement sur l’arrière de la tête et derrière les oreilles ? … Alors ça devrait répondre à votre question.

Harlock soupira. Ce n’était pas possible, bon sang ! se répéta-t-il. Mais il se savait déjà vaincu.

— Depuis avant-hier. Je me demandais à quoi c’était dû.

Le doc fit claquer sa langue contre son palais.

— Ben voilà, vous êtes fixé. Vous avez récupéré les poux que Lydia a récoltés lorsque je l’ai emmenée au centre récréatif pour la journée. Il y en a toute une colonie, là-dedans.

Harlock marqua un temps d’arrêt tandis que son esprit enregistrait avec horreur 1) la nouvelle, 2) ses implications, 3) le silence soudain en passerelle et 4) les regards braqués sur lui.

Le capitaine regretta ne pas être en mesure de disparaître dans les coussins de son fauteuil, et réussit dans le même temps à ne pas rentrer la tête dans les épaules et à rester droit et digne. En revanche, il était à peu près sûr d’être en train de rougir. Le seul point positif, c’était que le doc avait l’air au moins aussi gêné que lui.

— Euhmm… Je vais vous donner ce qu’il faut, capitaine.

Le doc hésitait visiblement, les yeux obstinément fixés sur le haut de son crâne. Harlock fronça les sourcils. Merde. Cela augurait des complications. Zero n’aurait pas été aussi embarrassé pour un shampooing et un coup de peigne. Qu’avait dit Tochiro à propos de la « meilleure méthode », déjà ?

Le capitaine se leva avec un regard assassin.

— Très bien, doc, lâcha-t-il d’un ton sec. Donnez-moi ça. Si ça a fonctionné sur Lydia, je devrais pouvoir y arriver.

Oui, il n’allait pas commencer à tergiverser pour du shampooing, la situation était déjà assez ridicule comme ça.
Zero était quant à lui toujours en train de tourner autour du pot.

— Entendu mais… Vous avez un peu plus de cheveux qu’elle, capitaine… Et ils sont plus longs, aussi… Le mieux serait… euh… vous voyez… de raccourcir un peu ?




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