Little Harlock stories












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Toucher les étoiles
One more time


— Sale gosse ! Où est-il encore passé ?

Kerj était rentré tard en pestant contre l’administration, les patients qui prenaient d’assaut sa salle d’attente pour des clopinettes, les embouteillages et le monde en général. Autant dire qu’il n’était pas dans les meilleures dispositions lorsqu’il avait constaté que le gamin n’était pas à la maison. Minako l’entendait pester depuis la cuisine, sans toutefois se risquer à lui répondre. L’orage passerait.
Enfin… Le dîner promettait d’être agité, une fois de plus.

— Je me tue à lui donner une éducation et c’est tout ce que j’obtiens en échange ! continuait Kerj sur le même ton. Des fugues ! Des convocations des professeurs ! Et maintenant il faut que j’aille le chercher au poste parce qu’il se trouvait dans une gargote mal famée au moment d’une descente de police !

Minako soupira. L’histoire du poste de police datait de la semaine précédente et n’avait pas arrangé les relations déjà tendues entre l’adulte et l’enfant. Il faut dire qu’ils étaient aussi têtus l’un que l’autre ; les tentatives de discussion tournaient généralement au dialogue de sourds.

— Parfois je me demande ce qui lui passe par la tête…

Kerj avait fini par trouver le chemin de la cuisine. La vieille femme s’y était préparée – son beau-fils n’attendait pas de réponse, mais il préférait avoir quelqu’un devant qui se plaindre.

— Il a besoin de dépenser son énergie, c’est tout, lâcha-t-elle tout de même.

Elle savait qu’il désapprouvait son laxisme. De son côté, elle le trouvait trop rigide – si encore cela avait quelque effet, mais le petit se braquait immédiatement dès que Kerj ouvrait la bouche.

— Il peut se dépenser tout ce qu’il veut à l’école ou en sport sans avoir en plus à courir les rues le soir ! Évidemment, il faudrait pour cela qu’il accepte de se plier à quelques règles !

Protester ne ferait qu’empirer la situation. Minako était consciente que son séjour ici avait contribué pour une bonne part à dégrader l’ambiance. Kerj ne l’aimait pas, et les enfants le sentaient. Enfin, Fili moins que son frère, évidemment, la fillette n’avait que quatre ans et était simplement contente que ce soit sa mamie qui vienne la chercher à l’école, mais ces dernières nuits elle avait pleuré en appelant sa mère et Minako s’était demandée s’il s’agissait de sa fille aînée ou de la cadette. Aucune des deux ne pouvait consoler l’enfant : l’épouse de Kerj sombrait lentement dans la dépression et suivait une énième cure à l’hôpital, et la mère biologique des petits avait fait son dernier saut trois ans auparavant.
Kerj tentait tant bien que mal de recoller les morceaux, mais le garçon s’ingéniait à lui rendre la vie impossible.

— C’est sa façon de montrer qu’il souffre, fit Minako.
— Je me fais du souci pour lui, bon sang ! Est-ce qu’il peut au moins comprendre cela ? Ce n’est qu’un enfant, dieu sait sur quel dégénéré il peut tomber à cette heure…

Minako hocha la tête. Sur ce point, ils étaient d’accord.
Kerj maugréa encore quelques jurons, puis lâcha un « après tout, qu’il se débrouille » avant de se taire. Minako savait que ce n’étaient que des paroles en l’air : Kerj n’était pas aussi insensible qu’il essayait de le paraître et se faisait vraiment du souci pour le garçon. Il attendrait peut-être une heure mais il finirait par prévenir le commissariat, puis il resterait éveillé jusqu’à ce que le petit rentre, tard dans la nuit, et avec ou sans l’aide de la police, d’ailleurs.
Ce n’était pas la première fois. Le petit avait multiplié les escapades nocturnes, ces derniers temps, ce qui mettait les nerfs de Kerj à vif. La plus grande crainte de Minako était maintenant que le garçon décide de ne plus rentrer – surtout depuis que Kerj avait brandi la menace de l’attacher à son lit.

Le silence semblait vouloir durer, aussi la vieille femme alluma-t-elle l’holovid de la cuisine – c’était l’heure des informations du soir, et elle avait besoin de se changer les idées.

— … actualité sportive, le trophée des Cadets commencera par son désormais fameux contre-la-montre. Le départ aura lieu dans quelques instants sur le tout nouveau circuit « Comète », qui, je le rappelle, a été inauguré la semaine dernière par le gouverneur. Les spectateurs…

Minako grimaça. Du sport au tout début du programme d’informations, pff. Enfin, au moins cela signifiait que la situation était calme – dans le cas contraire, les journalistes se seraient jetés avec avidité sur tout autre sujet plus violent / sanglant / croustillant. La vieille femme remarqua cependant que Kerj marquait un temps d’arrêt, et ce malgré son aversion affichée pour ce type d’activité.

— Le trophée commence ce soir ? fit-il avec un air angoissé qui ne convenait pas vraiment au sujet abordé.
— Apparemment, répondit Minako.

Puis elle comprit. Kerj ne supportait pas les jets, les courses et le pilotage sportif, mais il existait dans cette maison quelqu’un qui était littéralement fasciné par toutes ces choses.

— Tu penses que le petit est parti là-bas ? demanda-t-elle.
— Il y a de fortes chances. Il m’avait bassiné pour assister aux présélections, ce que je lui avait refusé à cause de son comportement… J’aurais dû prêter davantage attention aux dates programmées, ajouta Kerj en secouant la tête de dépit. Je suis certain que lui les avait soigneusement notées.

Il grogna.

— Dire que je m’étais félicité qu’il ait cessé d’évoquer le sujet…
— Tu devrais pourtant savoir qu’il n’abandonne jamais une fois qu’il s’est mis une idée en tête, rétorqua gentiment Minako.

Kerj grogna à nouveau (mais plus contre lui que contre sa belle-mère), avant de quitter la cuisine et de gagner le hall d’entrée en attrapant son manteau à la volée.

— Je t’accompagne, dit Minako qui l’avait suivi.

Kerj haussa les épaules sans répondre. Minako prit cela comme un assentiment et le rejoignit dans sa voiture après avoir prévenu la voisine – celle-ci serait à la maison en quelques minutes, pour surveiller Fili. Ce n’était pas la première fois non plus…

Personne ne prononça un mot durant le trajet qui les menèrent à la bordure de la ville. Kerj conduisait mâchoires serrées, les mains crispées sur le volant et un peu trop rapidement ; Minako songeait avec inquiétude à la suite des évènements. En début de saison, les courses de jets attiraient toujours un public nombreux. Comment retrouver un enfant d’à peine dix ans dans une foule compacte et bruyante ? Et ils n’étaient même pas certains que le garçon s’y trouvait réellement…
Kerj abandonna la voiture sur le bas-côté lorsque la circulation devint trop dense. Les deux adultes continuèrent à pied – de toute façon, il ne restait que quelques centaines de mètres jusqu’au circuit. Minako suivit son beau-fils qui jouait des coudes pour se frayer un chemin à travers la foule.

Une acclamation monta soudain autour d’eux, aussitôt suivie du rugissement de dizaines de réacteurs lancés à plein régime. Minako jeta un coup d’œil sur les panneaux vids géants : le départ venait d’être donné. Il s’agissait d’un contre-la-montre simple, ce qui voulait dire que la course serait terminée avant cinq minutes – un laps de temps plutôt court pour eux qui cherchaient une aiguille dans une botte de foin. Car Minako ne se faisait pas d’illusion : le petit ne tenait pas en place. Il quitterait les lieux sitôt la ligne d’arrivée franchie par les concurrents.
Vu le regard que lui lança Kerj, il devait bien avoir saisi la problématique également.

— Okay… fit-il. Il a dû vouloir la meilleure place. Où est-ce qu’il est, à ton avis ?

Minako sourit.

— Tu devrais le savoir… La meilleure place, pour lui, c’est à l’intérieur de ces appareils. Il le répète assez, qu’il veut piloter.

Kerj écarquilla les yeux, l’air effaré.

— Nom de… Bordel, il n’aurait pas osé ! s’exclama-t-il.

Il bouscula rageusement ses voisins et s’éloigna du plus vite qu’il pouvait, laissant dans son sillage une traînée d’expressions offusquées.

— Attends ! cria Minako. Je plaisantais ! Tu ne penses tout de même pas…

Elle fit une moue désolée aux spectateurs furieux d’être dérangés au moment le plus palpitant de la course et se faufila derrière Kerj jusqu’à arriver contre les barrières de sécurité qui jouxtaient les stands.
Son beau-fils enjambait déjà la rambarde métallique.

— Monsieur, vous ne pouvez pas franchir ces barrières. Les jets approchent, c’est dangereux, intervint un agent de sécurité.
— Laissez-moi ! s’exclama Kerj.

Il se dégagea d’un grand moulinet de bras alors que le premier jet franchissait la ligne d’arrivée.
Il ne s’agissait pas d’une victoire telle qu’elle devrait avoir lieu, songea Minako. Une flopée d’agents de sécurité envahissaient la piste, des commissaires gesticulaient aux abords des stands, tandis que les jets suivants freinaient anarchiquement, s’arrêtaient n’importe où, puis s’employaient à zigzaguer selon un ballet compliqué pour s’éviter les uns les autres – et surtout afin de n’écraser aucun technicien de course.
Une belle pagaille.

Pendant ce temps, Kerj en avait profité pour courir jusqu’au jet qui avait remporté la course – celui qui était cerné d’agents de sécurité… Lorsque les panneaux vids retransmirent l’image dudit jet, puis zoomèrent sur le cockpit et son pilote, Minako ne fut même pas surprise de reconnaître son petit-fils. Autour d’elle, les spectateurs poussaient des exclamations incrédules. Les commentaires fusaient : « ils les prennent au berceau, maintenant ? », « bon sang, ce jet était sûrement téléguidé ! », voire « putain ! Je viens de perdre ma mise à cause d’un gosse ? ».
La vieille femme était curieuse d’apprendre par quels moyens l’enfant avait réussi à prendre la place d’un pilote qualifié… Quoi que, en y réfléchissant, elle doutait pouvoir lui arracher le moindre renseignement – il n’était pas du tout expansif, surtout si Kerj était à portée d’oreilles. Quelle que puisse être la fierté qu’il ressentait en ce moment, il n’irait pas se vanter de ses exploits à la maison.

Elle ne put retenir un soupir résigné lorsque Kerj gifla le petit à la volée. D’accord, l’enfant l’avait mérité, mais il avait également gagné, non ?


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