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Le barman, le pirate et un char d'assaut
Un jour comme
les autres
Disclaimers
: l'Arcadia et
son capitaine appartiennent à M. Matsumoto, mais parfois
j'aime bien leur offrir une petite balade sur une planète de
mon cru.
Bob l'Octodian est barman au Metal Bloody Saloon depuis
au moins Harlock .0, fic actuellement interrompue mais que je ne
désespère pas reprendre un jour. Et il est totalement à
moi, bien que je refuse d'héberger un Octodian chez moi, ça
prend trop de place.
—
Cela avait commencé
par la rixe au fond de la salle. Deux ivrognes en étaient
venus aux mains après un échange de propos imagés
au sujet de dés truqués ou d’un quelconque autre
jeu de hasard qui n’en était pas un. Le barman n’en
avait cure, mais si un de ces imbéciles était armé,
il pourrait y avoir plus de dégâts que quelques verres
brisés.
— Si vous voulez vous battre,
faites-le dehors ! gronda-t-il.
Il écarta de tous
ses bras les curieux qui s’agglutinaient en hurlant des
encouragements, saisit les deux protagonistes par le col et les
traîna jusqu’à la sortie. Personne ne se risqua à
lui barrer le passage ; être octodian sur une planète à
dominante humaine avait quand même ses avantages.
Il balança
les trouble-fête à l’extérieur comme des
sacs de linge sale.
— Et que je ne vous revoie
plus par ici ! lança-t-il tandis que les hommes
pataugeaient dans la boue sous les quolibets.
Le barman
rejoignit le comptoir en maugréant et se demanda si le miroir
holographique passerait la soirée aujourd’hui. Il
vérifia machinalement que son vieux fusil était bien
rangé sous la pompe à bière et resservit un
client assoiffé qui venait de s’enfiler trois whiskies
quasiment cul-sec.
« Tiendra pas la nuit, celui-là »,
pensa-t-il.
— Ça f’ra dix crédits.
— Eh ! c’est du vol !
— Dix crédits
pour tes trois verres, répéta le barman avec un
rictus menaçant. Tu payes maintenant ou je te balance
aux flics.
Le gars s’empressa de s’exécuter
et battit en retraite avec son verre.
— Et ma
commande ? Elle arrive ? cria un autre. J’avais
demandé une bière de Ganymède !
Ça
n’arrêtait jamais. Deux serveurs débordés
faisaient le va-et-vient entre les tables, les plateaux chargés
de verres de tailles diverses, pleins ou vides. Le moins que l’on
puisse dire, c’est que le bar marchait bien.
Si l’on
exceptait, bien sûr, les dégâts matériels,
les mauvais payeurs, les vols et les braquages…
—
Le barman repéra
en premier lieu l’homme qui s’était attablé
dos à un pilier et qui dissimulait son visage sous un chapeau
à larges bords. Une petite valise était posée à
ses pieds. Avec l’expérience, c’était assez
facile de reconnaître ce genre d’individu : un
professionnel. Un pourvoyeur qui trafiquait dieu sait quoi.
Bon.
Pas de quoi s’alarmer. Ces gens-là étaient
discrets, en général. Tant que son client et lui
s’accordaient sur le prix…
— Brandy
d’Andromède, Bob. La bouteille habituelle.
Il
remarqua d’abord le changement dans l’atmosphère
du bar avant de reconnaître le nouvel arrivant. L’air
était devenu électrique, tendu, et lourd comme lorsque
l’orage est sur le point d’éclater. C’est à
ce moment qu’il avait mentalement dit adieu à son miroir
holographique, d’ailleurs.
— Ça fait
un bail qu’on ne s’est pas vus, poursuivit le
nouveau venu.
Il portait une cape noire avec la capuche
relevée et, inconsciemment, les autres clients s’étaient
écartés de lui, dégageant un espace libre
d’environ deux mètres alors que partout ailleurs, tout
le monde se marchait sur les pieds.
Le barman sourit et attrapa
dans les profondeurs du comptoir une bouteille aux trois-quart pleine
d’un liquide ambré.
— Tu tombes à
pic, gamin. J’avais justement envie de refaire la déco.
Il
fit glisser le verre de brandy sur le zinc et empocha les pièces
en échange en se demandant s’il devait mentionner la
hausse des prix. Mmm. Non.
Après tout, il avait en face de
lui le pirate le plus recherché de la galaxie, et on racontait
des tas d’histoires sur lui. Le barman avait certes le
privilège de connaître l’homme depuis bien plus
d’années que tous les types qui colportaient ces
rumeurs, mais cela lui permettait justement de savoir que même
les trucs les plus extravagants pouvaient être vrais.
— Je déteste que tu m’appelles comme ça, Bob.
Tu le sais.
— Monsieur est susceptible sur son
âge, mmh ?
« De petites taquineries entre
amis, et c’est tout », se dit l’Octodian. «
Je ne vais pas plus loin. Quand je pense qu’à une époque
je lui ébouriffais les cheveux… »
Le pirate
grogna en empoignant son verre et lança au barman un genre de
sourire narquois qui le convainquit que ce petit salopard était
au courant de la hausse du prix du brandy et qu’il n’en
avait rien à faire.
— Il pourrait l’avoir
gratuit et il le sait, râla-t-il alors qu’il
servait une bière à un barbu qui avait eu suffisamment
de courage pour s’approcher.
— C’est
vraiment le captain Harlock ? souffla le gars en en
jetant un regard de lapin pris au piège au pirate.
— ‘xact. Qui veux-tu que ce soit d’autre ? Si tu n’as
pas la conscience tranquille, tire-toi tant qu’il est encore
temps.
L’homme roula des yeux paniqués,
puis abandonna son verre et se rua vers la sortie comme si le diable
en personne était à ses trousses. Ce qui était
probablement assez proche de la vérité.
—
Harlock avait rejoint
le trafiquant au chapeau, lequel avait posé sa valise sur la
table. Le barman épiait les conversations du coin de l’œil
tout en continuant à essuyer les verres et à servir les
bières. Il remarqua que la plupart des clients faisaient de
même, avec plus ou moins de discrétion.
Au bout de…
allez… quatre minutes de palabres, le pirate finit par ouvrir
la valise et la referma aussitôt dans un petit claquement
sec.
Le bar connut quelques secondes de silence total.
— Trop cher pour cette camelote, lâcha Harlock d’un
ton égal et de manière parfaitement audible.
Il
se leva et tourna dédaigneusement le dos au trafiquant.
— Sale pirate, tu vas le regretter, siffla celui-ci.
«
Ouchh… », pensa le barman.
Il connaissait les
horreurs de la guerre et savait les dégâts que pouvait
provoquer du gros calibre à faible distance, mais il n’avait
encore jamais vu personne se balader avec une telle arme à la
ceinture. Il apprécia néanmoins l’efficacité
du légendaire cosmodragon entre les mains de son non moins
légendaire propriétaire – même s’il
devait par la suite le qualifier de « fusil à mammouth »
ou de « bazooka de poche ».
En une fraction de
seconde, tout était fini. Harlock dardait son regard de braise
sur l’ensemble de la clientèle, défiant les
téméraires qui auraient pu penser s’opposer à
lui, tandis que son adversaire gisait face contre terre, la main
crispée sur son arme et la cervelle éparpillée
sur le plancher.
—
Cela aurait pu en
rester là, mais un petit malin avait trouvé judicieux
d’appeler la police – peut-être le type qui s’était
sauvé, qui sait ? Évidemment, les flics locaux ne
mettaient jamais les pieds dans ce trou à rats où ils
étaient certains de tomber dans un traquenard, mais pour
Harlock, c’étaient les fédéraux qui
s’étaient déplacés. Entraînés,
équipés et en nombre.
Le miroir holographique rendit
l’âme juste après le « rendez-vous, le
bâtiment est cerné ! » Bob plongea sous le bar et
remercia les plaques de blindage avec lequel il l’avait
construit. Il ne craignait pas grand chose, ici, et en plus il était
idéalement placé pour faire un ou deux cartons. Il arma
son fusil et risqua un coup d’œil par dessus le
comptoir…
Le moins que l’on puisse dire, c’est
que le gamin était doué. Diaboliquement efficace et
mortellement dangereux. Quelques clients tentaient eux aussi de
riposter, mais la majorité marchaient à quatre pattes
vers la sortie ou s’abritaient avec plus ou moins de bonheur
derrière les tables renversées. Ou étaient
morts. Le sol du Metal Bloody Saloon était jonché de
débris divers : morceaux de verres, copeaux de bois, bouts de
cadavres… Vraiment « bloody », pour le coup.
Le
barman abattit un des fédéraux, plus imprudent, qui
était resté trop longtemps à découvert,
mais les autres allaient être plus difficiles à déloger.
Quel que soit tout son talent, Harlock n’allait pas s’en
sortir sans aide…
— Eh ! Gamin ! cria
l’Octodian. Par ici !
Le pirate se tourna
dans sa direction et effectua un superbe plongeon par dessus le
comptoir.
— Ne m’appelle pas « gamin
», protesta-t-il en s’adossant à la pompe à
bière éventrée.
— Tu crois que
c’est le moment pour ce genre de détail ?
Harlock
haussa les épaules et entreprit d’arroser la pièce
à coups de cosmodragon. Il ne devait plus rester une seule
table intacte, à présent.
— Ils
bloquent la sortie, fit Bob sur le ton de la conversation.
— J’ai vu, oui. J’ai appelé des renforts. Les
gars de l’Arcadia ne devraient pas tarder. Faut juste qu’on
tienne encore quelques minutes.
— T’inquiète.
C’est du solide, répondit l’Octodian en
toquant contre la plaque de blindage du bar.
Un « baoum
» retentissant fit trembler les fondations du bâtiment.
— Merde, j’y crois pas ! Ils ont un char !
— Ton blindage va pouvoir résister à ça ?
— T’en as de bonnes, gamin ! Quand je me suis installé
ici, j’ai jamais pensé que je pourrais me faire
bombarder par un putain de char !
— M’appelle
pas gamin, sourit Harlock. Où est la sortie de
secours ?
Le barman fit un signe vers un coin de la
pièce.
— Tu vois la trappe, là
?
Le char s’employait à pilonner
méthodiquement l’immeuble – un coup toutes les dix
secondes environ. Le plafond commençait à leur tomber
dessus.
— Tu ne pouvais pas la faire aboutir
derrière le bar ?
— Oh, c’est pas
moi qui ai dessiné les plans des égouts, hein ?
Une
poutre s’effondra depuis les étages supérieurs et
s’écrasa sur le comptoir, leur faisant baisser
instinctivement la tête.
— Maintenant ou
jamais.
Ce n’était plus le moment de
réfléchir. Il n’y avait que trois mètres
entre la trappe et le comptoir, mais c’étaient
certainement les trois mètres les plus longs que Bob eut à
franchir.
Par la suite, il ne fut jamais capable de se souvenir
comment il avait fait pour se retrouver à courir aux côtés
d’Harlock le long de ce conduit d’égout, mais
toujours est-il qu’il n’était plus sous le
bâtiment lorsqu’il l’entendit s’effondrer.
Le
pirate ne ralentit pas l’allure avant deux bons kilomètres.
Puis il avisa un panneau indicateur.
— Huitième
rue. Orion’s cross, déclara-t-il. On est où
?
— Sous le commissariat. Vaut mieux sortir plus
loin, à mon avis.
— Mmm. J’te suis,
alors. Tu connais mieux la ville que moi.
— La
ville, oui. Pas son sous-sol !
— On sort là,
si tu es perdu…
— La rue suivante, je
préfère. Et cesse de me faire tourner en bourrique,
gamin.
Harlock ne releva pas, cette fois-ci, mais Bob
vit bien qu’il se retenait. Son œil pétillait
d’amusement.
—
Ils arrivèrent
aux limites de la ville sans encombres. Harlock avait appelé
son vaisseau et un glisseur d’apparence anodine les récupéra
dans une ruelle discrète.
— Désolé,
pour ton bar, fit le pirate alors qu’ils prenaient une
route à peine dessinée vers les montagnes.
— Bah, je commençais à en avoir assez de cette
planète", philosopha l’Octodian. "J’ouvrirai
un autre Metal Bloody Saloon ailleurs.
— Je te
dépose avec l’Arcadia ?
— Non, je
prendrai le train, si ça ne t’ennuie pas. J’ai eu
mon quota d’embêtements avec toi, je crois.
— Comme tu veux.
Le pirate tapa sur l’épaule
du chauffeur.
— À
la gare, ordonna-t-il.
Le glisseur bifurqua pour se
rapprocher du spatioport.
L’ex-barman descendit devant le
fronton de la gare.
— Prends soin de toi,
captain.
— Bobsdqildjav, attends…
— Ah ! C’est la première fois que j’entends
quelqu’un prononcer mon nom correctement !
— Je
me suis entraîné. Et c’est la première fois
que tu ne m’appelles pas gamin…
Le pirate
lui lança un petit sac en toile.
— Une
compensation pour ton bar, expliqua-t-il.
Des cristaux
de navigation. Suffisamment pour acheter au moins cinq saloons
flambant neuf.
— Ils sont de mauvaise qualité.
Inutiles sur l’Arcadia.
— Et c’est
pour ça que tu as démoli mon établissement ?
— Le vendeur s’était fait une spécialité
de refiler du matériel hors d’usage. Ou saboté.
Et il offrait ses services à l’armée.
Harlock
soupira.
— J’étais venu pour
l’empêcher de nuire, mais je n’avais pas prévu
de tomber sur les fédéraux…
— Personne n’est parfait.
L’Octodian fit
un geste d’une main qui pouvait signifier « au revoir »
auquel Harlock répondit par un pseudo salut militaire. Puis
sur un mot au chauffeur, le glisseur démarra et s’éloigna
rapidement.
— Au plaisir de te revoir, gamin,
murmura Bob.
Un train siffla en entrant en gare. Son train. Il
ignorait encore sa destination, mais la voie de chemin de fer le
mènerait bien quelque part.
Le glisseur se fondit dans
la poussière des contreforts montagneux.
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