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Le barman, les pirates, des armes radioactives et la barbe à papa Peace and Metal
Disclaimers : tous les pirates qui errent dans le coin et qui auraient préféré être ailleurs (surtout un) appartiennent à M. Matsumoto. L’unique barman à appeler le capitaine « gamin » et à trouver cela amusant est à moi. Note de l’auteur : à vrai dire, j’avais deux autres intrigues à développer, sérieuses et tout… Finalement je suis partie sur une troisième et j’ai obtenu ceci. Et plutôt vite comparé à mon rythme de production habituel, d’ailleurs. Comme quoi l’inspiration, ça ne se commande pas. Chronologie : Tochiro. Pour Aqualys. Barbe à
papa. o-o-o-o-o-o — Qu’est-ce que c’est que ce bordel ? Harlock avait franchi les portes du Metal Bloody Saloon en trombe et d’humeur massacrante, s’était planté devant le comptoir et avait foudroyé du regard le propriétaire des lieux comme s’il était l’unique responsable de ses ennuis. Le barman, en plein inventaire de son service à cocktail, ne se troubla pas (il n’avait rien à se reprocher). Il préféra tout de même ne pas faire remarquer au capitaine pirate qu’il était d’usage, lorsque l’on avait un minimum d’éducation, de dire « bonjour » avant de commencer à agresser les gens comme ça. — C’est la fête
foraine, gamin, répondit-il d’un ton égal sans interrompre le
décompte des verres qui avaient échappé à la beuverie de la
veille. L’Octodian leva un sourcil. — Et bien, je ne pense pas que ces braves gens se préoccupent de ton emploi du temps avant de s’installer quelque part, mon garçon. L’Univers ne tourne pas autour de toi. Enfin, pas seulement. Les militaires, chasseurs de primes, contrebandiers et factions armées de tous bords avaient pris pour habitude de faire un large détour à l’approche du célèbre vaisseau, mais les civils lambda s’en souciaient généralement comme de leur première chemise et se focalisaient plutôt sur la gestion de leurs petits soucis quotidiens – un détail que le pirate avait de plus en plus tendance à oublier, ces derniers temps. — Ça devrait pourtant te faire plaisir, ajouta le barman avec une pointe de perfidie. Tu n’es pas encore complètement infréquentable au point d’empêcher les honnêtes gens de vaquer à leurs activités habituelles. Harlock grogna. — On marche au
coude à coude, dehors, et il y a des stands à tous les coins de
rue ! se plaignit-il. On a mis un temps fou à arriver ici ! Le barman prit le temps de saluer d’un signe de tête courtois les deux pirates qui accompagnaient leur capitaine (la blonde Kei Yuki et Tochiro, l’ingénieur en chef), puis il fronça les sourcils et se pencha par dessus le comptoir. Harlock ne se serait pas déplacé dans cette foule sans une bonne raison, et ce n’était sûrement pas pour disserter de la popularité de la foire annuelle du coin. — Bon, déclara-t-il posément. On va passer outre les jérémiades et aller au vif du sujet. Quel est le problème, gamin ? Le pirate renifla, vexé. — M’appelle pas
gamin, marmonna-t-il. … Un petit malin a cru judicieux de se servir
dans une caisse de matériel qui m’était destinée, expliqua le
capitaine après un temps d’hésitation. L’Octodian connaissait Harlock depuis longtemps. Un « simple » vol ne l’aurait pas mis dans cet état. C’était donc plus grave. C’était même suffisamment grave pour que le pirate rechigne à lui révéler les détails. — Armement prohibé, lâcha finalement Harlock à contrecœur. Cœur atomique. Instable. Okay… Donc radioactivité, avec tous les risques que cela impliquait si on stockait ça n’importe où, et une probabilité non négligeable pour que tout explose sans crier gare. — Le type qui a
fait ça est au courant de ce qu’il vous a « emprunté » ? Le pirate se tut (il
estimait probablement avoir épuisé son temps de parole journalier).
Kei prit heureusement le relais, épargnant ainsi au barman l’effort
de continuer à arracher les informations une par une à Harlock. — Il a pris
Tadashi en otage, Bob, expliqua Kei. La navigatrice acquiesça. — D’accord, je récapitule… Il y a donc en ce moment un dingue qui se balade au milieu de la foule en trimbalant un arsenal suffisant pour tuer tout le monde si l’envie lui en prend, énonça-t-il en se forçant à ignorer que cette description s’appliquait aussi à Harlock. Avec un otage. Et si tu es là c’est que tu espérais que j’aie un tuyau à te filer pour limiter les dégâts. Il se pinça l’arête du nez. — Je n’ai rien. Tu as une autre idée ? Harlock serra les mâchoires. Il était difficile de déterminer si c’était le vol de son matériel ou l’enlèvement de son mousse qui l’ulcérait ainsi, ou bien si c’était seulement parce qu’il se retrouvait forcé de requérir une aide extérieure, fusse-t-elle celle d’une vieille connaissance comme le barman. — Je suppose qu’on pourra détecter la radioactivité si on se rapproche assez près de lui, admit le capitaine pirate. Il consulta Tochiro du regard, qui opina. — … à condition
d’être assez près de lui, justement, termina-t-il. « Oui, ça ne
m’étonne pas », pensa le barman. Il savait que le
gouvernement local avait passé un « arrangement » avec
Harlock afin que l’Arcadia puisse utiliser un dock de
ravitaillement officiel (même s’il ignorait de quelle manière le
pirate avait obtenu cette faveur), et il se doutait que l’accord ne
tiendrait plus si le gamin se faisait prendre à trafiquer des armes
prohibées. Il secoua la tête. Allons donc, trêve de pessimisme. Harlock avait certainement une bonne raison d’agir ainsi. Et puis, l’objectif actuel était noble, non ? — Bon, on va le chercher, votre mousse ? — D’un commun accord, Bob
prit la tête du groupe dès leur sortie du Metal Bloody Saloon. Sa
carrure d’Octodian était en effet un atout certain pour se frayer
un chemin dans une foule compacte. Sa tâche n’en était pas plus
aisée pour autant : les badauds, occupés à se presser devant
les attractions foraines, ne leur jetaient tout au plus qu’une
expression courroucée lorsque le barman leur demandait de s’écarter.
Bien sûr, ils pâlissaient lorsqu’ils croisaient le regard
d’Harlock (qui ne l’aurait pas fait ?) ; cela ne les
détournait cependant pas de leur priorité (parvenir avant leur
voisin à la roulotte du vendeur de beignets ou arracher à la volée
un ticket pour le train fantôme, par exemple). Au bout d’une trentaine de minutes de progression difficile et de recherches infructueuses – et alors qu’Harlock semblait hésiter entre quitter cette ville, là, tout de suite, ou vaporiser l’inconnu qui le précédait et qui avait eu l’audace de l’effleurer –, le barman se retourna vers les trois pirates. ’fallait être pragmatique, ils ne parviendraient à rien de cette manière. — Autant chercher une aiguille dans une botte de foin, déclara-t-il. Quelqu’un a une meilleure méthode ? Tochiro haussa les épaules. — Si j’avais été sûr que la DCA locale ne me prenne pas pour cible, j’aurais pris un peu de hauteur avec une plate-forme anti gravité, répondit-il. Le fait qu’on soit entouré de bâtiments n’arrange pas la portée de mon détecteur. Le barman sourit. — S’il s’agit juste de ça, j’ai une solution ! triompha-t-il. Il ignora le regard suspicieux d’Harlock et les mena une centaine de mètres plus loin. — C’est une blague ? siffla le capitaine pirate lorsque le barman bouscula un couple d’adolescents pour prendre leur place devant un guichet. Je te préviens, je ne suis pas d’humeur à plaisanter ! « Oui, ça, tout le monde l’a vu », songea le barman sans toutefois se risquer à prononcer la remarque à haute voix. — Tu n’es pas obligé de monter, rétorqua-t-il posément. Je pense néanmoins qu’il faut des yeux en plus du détecteur de ton copain, et que plus on est nombreux là-haut, plus on a de chances d’apercevoir votre gars. Harlock ne semblait pas convaincu, mais le barman n’en avait cure. C’était une bonne idée, il n’en démordrait pas. Et puis il avait toujours rêvé de faire ça. — Je monte avec Tochiro, ajouta-t-il sans laisser au pirate la possibilité d’argumenter davantage. La fierté de la foire,
c’était la taille de ses attractions. Durant quatre semaines
standard, la ville s’enorgueillissait d’héberger la plus grande
concentration des manèges itinérants les plus impressionnants
jamais construits. Nombre d’entre eux dépassaient les immeubles
environnants. Bon, excepté au centre d’affaires, près de
l’astroport, la ville ne comptait pas de gratte-ciel, mais en tout
cas une fois là-haut, leur altitude serait bien suffisante pour
augmenter la portée du détecteur de Tochiro. Le barman négocia donc
rapidement avec le propriétaire de la roue pour pouvoir profiter de
la vue un peu plus longtemps que la moyenne (en payant un supplément,
mais inutile de le préciser à ses compagnons), puis, pendant que le
capitaine pirate traumatisait un vendeur de pop-corn ambulant qui
avait voulu lui vendre sa marchandise, il conseilla discrètement au
forain de ne pas tenter de bon mot lorsqu’Harlock prendrait place
dans une nacelle avec Kei. Harlock ne se départit pas de son air sceptique, mais en fin de compte il ne rechigna pas à monter (il s’était dit que la méthode était valable, ou alors il n’osa pas faire un caprice en public). Les deux nacelles emportèrent les trois pirates et le barman jusqu’au sommet en moins de temps qu’il n’en fallait pour dire « fête foraine » – du moins c’est l’impression qu’en eut le barman, qui n’avait pas souvent l’occasion de faire un tour de grande roue et qui avait bien l’intention d’en profiter pour s’amuser aussi un peu, tant qu’à faire. — J’ai une détection de ce côté, cria Tochiro à Harlock juste avant que les nacelles ne se remettent en mouvement et que les immeubles ne leur masquent à nouveau la vue. Harlock attendit d’être descendu de ce qu’il considérait visiblement comme une machine infernale pour répondre. — Quelle
distance ? Il devraient pouvoir s’y
déplacer plus facilement que dans les rues, mais encore fallait-il
s’y rendre. — Dégagez le passage ! cria-t-il en dégainant. Il y eut un instant de flottement le temps que les gens les plus proches assimilent le fait que le cosmodragon du capitaine pirate n’était pas une arme factice gagnée à une quelconque loterie, mais une fois qu’Harlock eut tiré deux ou trois fois en l’air, la voie se libéra miraculeusement. — Tu n’avais pas
dit que tu ne voulais pas te faire remarquer ? persifla le
barman. L’Octodian ricana. Oui, c’est sûr, ils allaient beaucoup plus vite comme ça. Et puis le célèbre pirate avait à présent enfin droit à toute l’attention qui lui était due, pas vrai ? — Là-bas ! cria soudain Kei lorsqu’ils parvinrent à l’esplanade et alors que la foule se clairsemait quelque peu. Environ cinquante mètres
devant eux, un homme aux cheveux coupés courts et vêtu d’un
blouson de pilote bousculait les passants, tout en traînant dans son
sillage le mousse de l’Arcadia. Il portait un sac informe en
bandoulière et une arme à la ceinture. — Eh ! Fais
gaffe aux dommages collatéraux ! protesta le barman. Le jeune mousse, qui
sourit de soulagement lorsqu’il reconnut les trois pirates, était
cependant loin de vouloir se laisser faire. Au mépris du danger
(l’habitude de côtoyer des psychopathes, probablement), le garçon
s’arracha à l’étreinte de son ravisseur et se fondit dans la
foule, vif comme une anguille. L’homme, déstabilisé, hésita
quelques secondes… C’était assez pour qu’Harlock puisse
s’interposer. Tout aurait été parfait si la police n’avait pas décidé d’intervenir à ce moment. — Jetez vos armes ! lança le plus courageux (ou le plus inconscient) des hommes qui s’étaient déployés autour d’eux. Le barman tiqua. Hmm, pas
le genre d’ordre à donner au gamin, ça. — Tout est sous contrôle, tempéra-t-il, toutes ses mains bien en évidence pour signifier de façon claire qu’il n’avait pas d’intention hostile. L’incident est clos, il n’y aura plus de perturbations. Il pouvait désamorcer, s’aperçut-il. Le gradé responsable n’était visiblement pas enchanté d’avoir affaire à Harlock et semblait prêt à valider n’importe quel accord pourvu qu’il n’ait pas à traiter avec le capitaine pirate. Quant au barman, il était tout à fait prêt à servir d’intermédiaire si cela pouvait éviter davantage de grabuge. — Peut-être que tu peux leur laisser la main ? ajouta-t-il à l’intention d’Harlock. Il ravala à temps le
« gamin ». Le maître mot, c’était « diplomatie ».
Pas le moment de le braquer, ce gamin. — Une opération rondement menée ! se réjouit le barman tout en ébouriffant affectueusement les cheveux de Tadashi. Harlock arborait toujours une expression donnant à penser qu’il souhaitait découper quelqu’un en tranches, mais Tochiro affichait un large sourire. — Yep,
approuva-t-il. Un succès total, et sans aucune casse. Votre idée
d’utiliser cette grande roue pour optimiser les recherches était
excellente, Bob. Le mousse s’interrompit en fronçant les sourcils tandis qu’il enregistrait la dernière phrase de Tochiro. — Vous êtes montés dans la grande roue ? demanda-t-il avec envie. Je pourrai y aller moi aussi ? Kei laissa échapper un léger rire. — Pourquoi pas ? Nous avons tous besoin de nous détendre… N’est-ce pas, capitaine ? Le barman se retint pour ne pas sourire béatement en imaginant la scène et préféra prendre discrètement congé des pirates. Son bar, ses clients et ses affaires l’attendaient. Alors qu’il reprenait
place derrière le comptoir du Metal Bloody Saloon après avoir fait
sortir par la fenêtre un quidam qui s’était autoproclamé serveur
pendant son absence, il se demanda si Kei allait réussir à décider
Harlock à monter dans un manège, quel qu’il soit. Probablement
pas, mais le barman n’aurait malgré tout pas parié là-dessus.
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