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|| 5 || Hyperexponentielle facteur neuf Etoiles filantes Disclaimers : James M. Cain pour la trame de base. Leiji Matsumoto pour la fin. Star Trek pour le titre. Notes de l'auteur : résultat d'un défi (un de plus), hommage à la Série Noire et consistant à garder le fil directeur du roman « Le facteur sonne toujours deux fois ». Son scénario et ses protagonistes contraints ont par conséquent impliqué de reléguer le pirate en arrière-plan. Précision : dark!Harlock marqué, dans la lignée de « Sa définition du bonheur ». Pour JM, s'il arrive jusqu'ici. o-o-o-o-o-o Blanc. — Tu vas parler, connard ? hurlait quelqu’un dans son oreille. Il ne demandait que ça. — « Au départ, je voulais juste me poser dans un coin tranquille. Je venais de terminer un convoyage dans la Bordure Extérieure.Une mission merdique, dangereuse, et qui avait bien foiré comme il faut. Je n’avais pas eu mon fric, le camion avait morflé, j’avais dû abandonner la cargaison pour sauver ma peau et les types qui m’avaient embauché n’avaient pas apprécié que je revienne leur dire leurs quatre vérités. Bref, ’fallait que je me fasse oublier. » L’enseigne indiquait
« Happy Dragoon ». Au-dessus de la porte, on avait
apparemment tenté de représenter une bestiole en rapport avec le
nom de l’établissement, mais le résultat tenait davantage du rat
mutant psychotique que du lézard souriant. La peinture était
défraîchie, la façade taguée, la plupart des vitres avaient été
brisées et rafistolées avec des feuilles de flexiverre de
récupération. Ce n’était rien de plus qu’un de ces bouis-bouis
miteux qui pullulaient dans les bidonvilles jouxtant les astroports,
servant de l’alcool frelaté et de la nourriture synthétique noyée
dans la graisse. « Elle était mignonne, la petite. Je lui ai servi mon baratin habituel, comme quoi j’allais rester quelques jours, que je devais me faire un peu de blé et acheter des pièces pour mon camion, je n’ai pas parlé de mes problèmes parce que ce n’était pas ses oignons, puis je lui ai demandé si elle pouvait me louer une piaule. C’est alors qu’elle m’a parlé du job. » — Tu veux dire :
une sorte de livreur ? Elle haussa les épaules. — Parfois il y a des clients à livrer, parfois il faut aller charger chez nos fournisseurs, parfois c’est officiel et parfois… moins, lâcha-t-elle d’un ton désinvolte. Le vieux Tom nous a laissé tomber et Nick n’a pas encore trouvé de remplaçant. Tu penses que tu pourrais faire l’affaire ? Il eut un sourire amer. — Contrebande, c’est ça ? Elle ne répondit pas, mais haussa les épaules à nouveau avec une mimique entendue comme s’il s’était agi d’une évidence. Il hocha la tête. C’en était une, assurément. À quoi aurait-il pu s’attendre d’autre dans un quartier comme celui-ci ? — Aucun problème, lâcha-t-il. Il avait pris l’air
bravache pour l’impressionner. « Sa façon de se dandiner devant moi, son décolleté, sa minijupe presque transparente… Elle avait l’air d’une greluche naïve, à minauder ainsi sans cesse, à glousser lorsqu’un salopard libidineux rentrait dans son jeu de séduction. Comme moi, oui. J’me suis dit, c’est une fille facile, elle me cherche, il n’y a pas de mal à tirer un coup. » La chambre, sous les combles, n’était rien de plus qu’un grenier vaguement aménagé avec du bric à brac de récupération, ici une armoire toute de guingois, là une planche sur deux tréteaux, plus loin une caisse métallique encore ornée d’un symbole à tête de mort, surmontée d’une antique lampe à hydrogène. Le matelas défoncé était posé sur un bois de lit branlant, mais l’ensemble supportait malgré tout très bien le poids de deux personnes. — Qui est Nick ?
demanda-t-il. Elle bascula sur le dos, ferma les yeux de contentement et s’étira tel un chat. Ses seins nus pointaient sous le drap, encore gorgés de désir. — Moi c’est
Cora, ajouta-t-elle. Elle lui fit un adorable
sourire. « Elle rêvait d’étoiles. » — Il n’y a pas d’avenir ici, dit-elle soudain. Il avait pris l’habitude
qu’elle vienne dormir avec lui. Elle le rejoignait sitôt son
service terminé, vers une heure du matin, une fois que Nick avait
expulsé les derniers poivrots et qu’elle avait fini de nettoyer la
salle. Le plus souvent, ils faisaient l’amour. Parfois, elle se
blottissait simplement contre lui, silencieuse. Fragile. — Ce n’est pas mieux ailleurs, répondit-il tout en enfilant son pantalon. Le travail est rare partout. … Le travail honnête, précisa-t-il après un temps d’hésitation Elle rit. — Parce que toi, tu es un travailleur honnête ? Il renifla, agacé. Okay, il survivait grâce à la contrebande. Que pouvait-il faire d’autre ? Il ne possédait aucune qualification rare, n’avait aucun talent particulier pour que les portes des cités fortifiées s’ouvrent à son profit – à moins qu’il ne s’engage dans l’armée, seul secteur à recruter sans distinction de compétence, mais il avait déjà donné lorsqu’il était encore jeune et plein d’illusions. Et il avait eu son content de boucheries inutiles. — Je suis plus honnête que tous ces chasseurs de primes et ces pirates, rétorqua-t-il. Elle fit la moue. — Les pirates sont libres, objecta-t-elle. Il préféra ne pas
poursuivre dans cette direction. « Elle rêvait d’étoiles, et j’ai cru à une lubie de fillette. J’ai eu tort. » — Ton camion… Il
est en état ? Nick lui avait posé la même question la veille au soir, dans l’optique d’étendre un peu le rayon de ses « affaires ». Le camion volait, oui… Il avait seulement besoin d’un bon check-up. « Et puis Nick a touché un paquet de pognon. Je ne sais pas ce qu’il avait trafiqué, mais la chance lui avait souri. Il a dit qu’il allait pouvoir payer ses dettes. Il nous a offert un coup. » — Et peut-être même que je vais vous augmenter, si ça se trouve ! lança joyeusement Nick en levant son verre. Il trinqua volontiers
avec son patron. Plus d’argent, moins d’ennuis, songea-t-il.
L’avenir lui apparaissait enfin serein. Ça faisait longtemps que
ça ne lui était pas arrivé. « Je ne sais pas… Elle a pété un plomb, je crois. Tant de fric, ça mettait la tête à l’envers, c’est sûr. » Elle avait sorti une pétoire hors d’âge d’un placard sous le comptoir. Elle la braquait sur Nick. — Couche-toi ! hurla-t-elle. Mains sur la tête ! Il était resté hébété
quelques secondes, incapable de comprendre la réalité de la scène.
Elle brandissait son arme, fière de sa bravoure imbécile, un
mélange de peur et d’excitation plaqué sur le visage. … Une
Kalach-NG, modèle 99. Une antiquité. Le genre de truc qui suffisait
à effrayer les camés qui erraient dans le quartier. « C’était une si jolie poupée. J’aurais fait n’importe quoi pour rester avec elle. » Lorsque Nick se leva et
porta la main à son holster, il réagit sans réfléchir. Il avait
conservé son couteau réglementaire de l’armée (nostalgie
stupide, mais il ne s’était jamais résolu à s’en débarrasser).
Il n’avait rien oublié de la façon de s’en servir. — Il est mort ? Il prit l’air blasé de qui a déjà croisé beaucoup trop de cadavres. — C’est ce qui arrive en général quand on se fait égorger, ajouta-t-il, imperturbable. Et crois-moi, c’est plus propre que si tu lui avais tiré dessus avec ton fusil. « On aurait peut-être pu s’en sortir si personne n’était entré. Mais même s’il ne payait pas de mine, le Dragoon marchait bien, en fin de compte. Y’avait toujours du passage, les dockers, les prospecteurs qui revenaient du continent… » — Oh putain ! Quatre types. Des
ouvriers de la raffinerie, au vu de leur tenue. Ils avaient eu un
mouvement de recul en découvrant la scène, lui avec son couteau
ensanglanté, elle avec son fusil, Nick à leurs pieds. Ils l’avaient
dévisagé, lui, l’inconnu fraîchement débarqué, puis ils
avaient fait demi-tour et s’étaient enfuis sans demander leur
reste. L’un d’entre eux activait déjà son bracelet-com. La
police ne tarderait pas à débarquer. Il cligna des yeux. Le temps s’accélérait brutalement. Sensation étrange de l’urgence, vision fugace de la vie qui défile à toute vitesse, ivresse de la fuite en avant. — Amène-toi ! cria-t-il. On file ! « On a couru jusqu’au camion. Je n’ai pas réfléchi, je l’ai entraînée avec moi. Elle risquait des ennuis, elle aussi, si elle restait. » Elle ne s’était pas
démontée, et avait entassé le magot de Nick dans un sac avant de
le suivre. Ça l’avait fait sourire. Les femmes… Elle eut une grimace
involontaire lorsqu’elle découvrit le camion. Il n’inspirait pas
confiance, c’était vrai. C’était un engin rafistolé, qui
portait sur ses flancs les cicatrices de ses anciennes campagnes. Il
avait été un compagnon fidèle, aujourd’hui il n’était guère
plus qu’une épave. — Attache-toi ! ordonna-t-il tandis qu’il faisait de même. Elle s’exécuta avec un sursaut. Il se mordit la lèvre. Elle avait peur, soudain. Ce n’était pas ce qu’il souhaitait. Il alluma machinalement
les systèmes de contrôle, démarra le moteur, n’attendit pas que
le voyant du préchauffage s’éteigne. Pas le temps. Il jeta un coup d’œil
vers elle. Elle était crispée sur son siège, les yeux écarquillés,
paralysée de terreur. Il secoua la tête, chercha vainement une
parole rassurante. Derrière eux, deux intercepteurs gouvernementaux
les prenaient en chasse. Trop tard. Pas le temps. — On passe en warp ! Maintenant ! Accélération.
Un hoquet. « L’hyperdrive a explosé. Je savais que le réacteur n’était plus tout jeune, qu’il n’avait pas trop apprécié ce que je lui avais fait subir à la mission précédente, mais je… Je me suis dit que ça tiendrait. » Ça n’avait pas tenu. Il
lutta au milieu de l’espace distordu, hurla
« la manette d’éjection ! À côté du siège ! »
sans savoir si elle l’avait entendu, se débattit pour atteindre la
manette de son propre siège, et, lorsqu’enfin il réussit à
activer le dispositif d’éjection, il eut l’impression
désagréable que tout l’arrière de son camion, poussé par le
warp, lui passait à travers le corps. « On s’est crashé à l’extrémité de la plaine de Sto. La capsule a parfaitement rempli son office, et je me suis posé indemne. Un putain de miracle, je me suis dis. Puis je suis tombé sur le camion. Ce qu’il en restait. Elle ne s’était pas éjectée. Elle… n’a pas eu ma chance. » Il
se tut, avala sa salive. Il avait hurlé de voir son rêve brisé, il
avait maudit le destin et tous les dieux qu’il connaissait. Il
avait pleuré. Sur elle. Sur lui. — — Très touchant. Claquement de bottes sur
le sol métallique. Une brute anonyme lui saisit les cheveux et le
redressa pour qu’il puisse fixer son interlocuteur. Sa bouche était
emplie de sang, son corps n’était plus que douleur, ses yeux
gonflés par les coups ne distinguaient plus que des silhouettes
floues. — Tu cherches une rédemption, chasseur de primes ? reprit froidement Harlock. Qu’est-ce que tu espères avec ton histoire à dormir debout ? Être cru. Il avait espéré être cru. — J’ai décroché,
se défendit-il dans un sursaut de fierté. Le ton était ironique.
Ce n’était pas juste. Que faisait l’Arcadia sur cette planète ?
N’y avait-il pas d’autres quadrants à terroriser que ce coin
paumé ? — Deux choses étaient indemnes, en définitive, poursuivit le pirate. Toi, et ceci. Harlock brandit le sac. Le magot de Nick. Un sacré paquet de pognon. — Ta réputation me fait penser à un scénario plus simple. L’argent. Qu’est-ce que deux meurtres au regard d’une pareille somme, hein ? Intact au milieu de l’épave. Il l’avait emporté avec lui avant de tenter de rejoindre l’astroport pour, peut-être, embarquer clandestinement sur un cargo. Qu’aurait-il dû faire d’autre de tout ce fric ? Le brûler ? — Tu pensais
peut-être brouiller les pistes en simulant en accident ? Les larmes lui montaient
aux yeux. La dernière image qu’il avait d’elle dansait dans son
esprit. — Jamais je ne lui
aurais fait de mal, murmura-t-il. Jamais. Le pirate eut un rire cruel. — Pourquoi pas un lac de lave, hein ? Pourquoi ? — Je l’ai sortie de Gliese-6 avec sa famille lorsque la terraformation s’est effondrée, expliqua soudain le capitaine pirate d'une voix où perçait, peut-être, une vague nostalgie. Elle a voulu tenter de s’installer autre part. Son frère est resté à bord. Elle l’a rappelé il y a peu. Le pirate fit une pause. — Elle rêvait d’étoiles. Pourquoi justement elle ? — « Elle n’a pas eu ma chance. » Si toutefois on pouvait parler de chance. — Tu mérites la mort. Noir. |
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