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|| 6 || Des vies brisées 5 - Des poupées cassées Disclaimers : appartient probablement encore un peu à M. Matsumoto. Un peu. Chronologie : 2013. Préquelle, parce que ma cosmogonie personnelle m'empêche définitivement d'envisager l'existence de séquelles sur ce film. Notes de l'auteur : ceci est le one-shot sur Kei que je voulais faire au départ (comme quoi, avec de l'obstination…). Ce n'est pas joyeux, ambiance 2013 oblige. C'est de l'interprétation arbitraire d'une ligne de dialogue anodine (en tendant un peu la corde j'ose même prétendre être plus ou moins raccord avec 78). J'avais une idée, je la pose par écrit, mais je m'aperçois que je n'aime pas tellement ce genre de texte dépressif, en fin de compte. — — Ton père ne reviendra pas. C'était ainsi qu'elle avait appris la nouvelle, par une simple phrase lâchée du bout des lèvres, froidement et sans aucune empathie pour la petite fille qu'elle était. Elle n'avait pas compris. Elle ne comprenait toujours pas. — Mon père est un grand scientifique ! Il étudie la xénobiologie ! Deux ans s'étaient écoulés. Elle venait de fêter son onzième anniversaire. Seule. À croire qu'elle n'existait plus pour personne. Elle renifla, serra les poings. Ses yeux piquaient, mais elle ne pleurerait pas. — Mon père est le meilleur xénbiologiste de Gaïa, s'obstina-t-elle d'une voix cassée. Elle aimait ce mot : xénobiologie. Ardu à prononcer, il sonnait comme une promesse de voyages lointains et de mystères à découvrir. Il appelait à l'aventure. À l'espoir. — La xénobiologie est une discipline de charlatan, mademoiselle Yuki. N'écoutez-vous donc pas en cours ? Seule la Terre est capable de créer la vie ! Dans un flash douloureux,
l'enfant se souvint des créatures étranges qui couraient dans le salon,
lorsque son père était rentré de sa mission sur Tokarga avec une pleine
valise d'échantillons. Elle se souvint avoir ri devant le comportement
erratique de ces choses, qui étaient peut-être des plantes ou peut-être
des animaux, et dont la logique échappait à la compréhension humaine. — Où est mon père ? insista-t-elle. Quand aurai-je l'autorisation de le voir ? Est-ce que je ne peux pas au moins lui rendre visite pour mon anniversaire ? Deux ans. Elle renifla encore. La question suivante allait lui faire mal, mais il fallait qu'elle sache. À présent elle était grande, décida-t-elle. Elle avait droit à la vérité. — Est-ce qu'il est mort ? lâcha-t-elle dans un souffle. Les épaules de l'adulte en face d'elle se voûtèrent légèrement. —
Il est mort, c'est ça ? répéta-t-elle, criant presque et sans plus se
soucier des larmes sur ses joues. Il est mort et vous ne me l'avez pas
dit ? L'adulte soupira, parut hésiter l'espace d'un instant, un voile de tristesse assombrit ses yeux avant qu'un masque impénétrable ne recouvre à nouveau ses traits. — Vous ne pouvez pas le voir, mademoiselle. Cela ne répondait pas à sa question. Cela la laissait aux prises à l'incertitude, aux ragots, aux moqueries des autres pensionnaires. Les enfants sont cruels. Deux ans. Elle avait fini par se blinder
contre les attaques verbales. Laisser dire, laisser glisser. Elle avait
appris la patience. Elle avait appris la solitude. Mais elle en avait
assez. Ce fut difficile. Il y avait des caméras de
surveillance et des patrouilles de drones dans les rues, et une petite
fille seule passait difficilement inaperçue. Elle persévéra, progressa
lentement, par étapes prudentes, en se mêlant à des groupes ou des
familles. — Je suis venue voir le professeur Yuki, demanda-t-elle à l'accueil. Une infirmière aux cheveux grisonnants la toisa avec un dédain perceptible. — Vous êtes de la famille ? L'enfant
n'attendit pas que quelqu'un s'aperçoive qu'elle n'avait rien à faire
là. Elle saisit sa chance, emprunta un escalier monumental, traversa une
cour intérieure ornée de panneaux holographiques verdoyants, se perdit
entre des immeubles monolithiques tous identiques et leva enfin les yeux
sur une porte coulissante striée de gris et de rouge. « Aile C ». Elle
touchait au but. Curieuse, elle souleva le loquet de la première trappe,
puis de la deuxième. Elle se contenta de déchiffrer le nom sur la
troisième porte. Elle sursauta tandis qu'un râle inhumain se faisait
entendre derrière la quatrième porte. Et elle se mit à courir, lisant
les noms sans s'arrêter, s'efforçant de ne pas écouter les cris, les
gémissements et les mots incohérents qui rebondissaient dans le couloir.
Pas celle-là. Celle-là non plus. La porte était verrouillée. Restait la trappe. Sa main tremblait lorsqu'elle fit glisser le panneau sur le côté, qu'elle se retourna, inquiète, et qu'elle fixa sans vraiment les voir l'enfilade de portes et le couloir vide. Des portes et des trappes, toutes identiques. Des cris, des coups sourds, des hululements, et, imprimée sur sa rétine, la silhouette de l'occupant de la première chambre, vêtu d'un pyjama vert pâle, échevelé, accroupi au centre de la pièce et agitant les bras de façon désordonnée, la bave aux lèvres. Des portes et des trappes. Avec
désespoir, l'enfant relut le nom sur la porte en face d'elle. « Yuki ».
Elle devait prendre une décision. D'une minute à l'autre, un adulte
allait apparaître et l'emmènerait loin d'ici. — Papa ! cria-t-elle. Elle se mit sur la pointe des pieds. — Papa ! … Une silhouette vêtue d'un pyjama vert pâle, maigre et échevelée, recroquevillée contre un mur, ses genoux repliés contre la poitrine. — Papa… Le professeur Yuki se balançait lentement d'avant en arrière, le regard vide, balbutiant sans discontinuer des syllabes inintelligibles. — « … Il paraît qu'un biologiste a fait des recherches sur eux. — Il ne l'avait même pas reconnue. |
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