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|| 3 || Sa définition du bonheur (Ce soir ou jamais) Disclaimers : un des deux protagonistes appartient à M. Leiji Matsumoto. Plus ou moins. Notes de l’auteur : histoire débloquée sur le thème « vengeance » récupéré d’un défi sur un autre site et mixé avec une fanfic datant de la préhistoire d’internet (même si pour celle-là, le plot s'est un peu décalé). Conséquence amusante, le résultat publié dessous est en quelque sorte la suite de deux textes qui n’ont rien à voir l’un avec l’autre. Et pour ceux qui sont familiers des dénominations de genres dans la fanfic, ça me donne donc un très net dark!Harlock. Temporalité : Endless Odyssey. Ou, plus précisément, juste avant. — Ce devait être ce soir.
Ce soir ou jamais. — Ce soir ou jamais, marmonna-t-il. Il fit claquer son verre sur le zinc. — Un autre ! lança-t-il au barman. Ce soir ou jamais. Trois
semaines qu’il se répétait cette phrase en boucle comme un
mantra. Chaque nuit, il commandait verre sur verre, observant dans
l’ombre, cherchant dans l’alcool le courage qui lui faisait
défaut. Chaque matin, il se réveillait la bouche pâteuse, mille
marteaux tambourinant sous son crâne, incapable de se souvenir
comment il était revenu à la chambre d’hôtel miteuse qui était
désormais son chez-lui. Chaque midi, il faisait face à la photo
d’Elysia et de sa mère et il se sentait misérable. — Ce soir ou jamais, répéta-t-il en fixant son verre. Ce soir ou jamais. S’il était ici,
c’était pour réclamer justice. Pour une vengeance. En solitaire.
En marge de la loi qu’il avait fait respecter jusqu’à présent.
Contre l’avis des forces de défense gouvernementales auxquelles il
avait appartenu. Personne ne le soutiendrait. Pas contre celui qu’il
venait défier. Les minutes s’écoulèrent,
devinrent des heures. Les tables se vidèrent, se remplirent. Se
vidèrent à nouveau. Une bagarre éclata à l’autre bout de la
salle, aussi violente que brève. Deux ivrognes qui s’étaient
cherché des noises. Nul ne s’en préoccupa. La nuit s’avançait,
inexorablement. Ce soir ou jamais. Il avait pu observer à
la dérobée la justice toute particulière du capitaine pirate. Son
petit rictus méprisant lorsqu’un voyou sans envergure lui faisait
part de ses problèmes. Sa façon d’ignorer ses interlocuteurs afin
de bien leur faire sentir sa supériorité. Son absence totale
d’empathie face à des pauvres bougres coupables de dieu seul
savait quelle faute, son indifférence alors qu’ils le suppliaient,
ce petit geste négligent, presque ennuyé, qu’il avait lorsqu’il
était lassé de leurs jérémiades et qui signifiait une mise à
mort imminente. Il frissonna. Harlock était très doué. Le brouhaha ambiant se
réduisit à un murmure ouaté, étouffé par l’atmosphère
enfumée. La musique s’était tue. Les danseuses avaient disparu.
Les fêtards quittaient les lieux à la recherche d’un endroit plus
animé. Restaient les trafics chuchotés, les contrats passés, les
liasses de billets qui changeaient de main contre tout et n’importe
quoi. Restait l’alcool, mêlé parfois à d’autres substances
inavouables. L’heure des ombres. Il regarda à nouveau en
direction d’Harlock. Il se leva, prit le temps
de régler ses consommations, puis il s’approcha en se forçant à
ne pas trébucher, ni trembler. Harlock ne lui prêta pas attention.
Pourquoi l’aurait-il fait ? Il ne devait pas dépareiller des
clients ordinaires. Trois semaines, et il s’était fondu dans la
masse. Le pirate leva enfin les yeux sur lui. Il déglutit. — Sanders, se présenta-t-il. Brett Sanders. Sa propre voix sonna étrangement à ses oreilles. Chevrotante. Il devait avoir l’air ridicule. En face de lui, Harlock se renversa sur le dossier de sa chaise, un demi-sourire aux lèvres. — Et… ? l’encouragea le pirate. Tu viens pour t’engager ? Le ton sarcastique non
dissimulé indiquait clairement ce que le capitaine de l’Arcadia
pensait d’une telle option. Sanders tiqua. Son allure était-elle à
ce point pathétique ? — J’ai une
fille, commença-t-il. Elysia. Les lampes crasseuses
projetaient des ombres vacillantes sur le visage du pirate. Le jeu de
lumière accentuait la balafre qui traversait sa joue gauche et
allait se perdre sous le bandeau dissimulant son œil droit. Harlock
semblait jeune, malgré tout. Ses cheveux bruns en bataille et son
allure dégingandée lui donnaient l’air d’un adolescent trop
vite grandi. — Fils de pute, cracha-t-il. Rien n’existe en dehors de ton petit monde, hein ? L’instant de vérité. Le face à face. La haine qu’il avait retenue toutes ces semaines s’écoula soudain avec une force qui le surprit lui-même, brisant le barrage de sa peur. Les mots suivants furent plus faciles. — J’étais à bord du Jameston pour Cayenne, espèce de salaud. J’étais là quand tu as massacré les autres. J’ai eu la chance de réchapper à la boucherie, et j’étais avec ma femme quand tu as piraté les serveurs du gouvernement pour diffuser les images de ton forfait sur le publi-vid. L’expression ironique du pirate s’évanouit, remplacée par une lueur glaciale. — Le Jameston. Tu
espères m’apitoyer en m’apprenant que tu étais sur le
Jameston ? Il criait presque.
Quelques têtes se tournèrent vers lui, mais les clients encore
assez sobres pour se soucier de l’éclat de voix replongèrent le
nez dans leurs consommations sitôt qu’ils virent qui était son
interlocuteur. — Tu crois peut-être que j’avais besoin de toi, pirate ? Harlock haussa un sourcil. — Je me souviens de toi. Le pilote. Tellement terrifié que tu avais pissé dans ton froc. Tu avais clamé que tu ne savais rien, et je t’avais laissé le bénéfice du doute. Le regard du pirate était inflexible. Et froid. — Mais tu savais, n’est-ce pas ? continua Harlock. Si froid. Pénétrant
jusqu’à l’âme. Sanders se morigéna intérieurement lorsqu’il
ne put se retenir de baisser les yeux par réflexe. Comme un gosse
qui se ferait gronder. — Je faisais respecter la loi, c’était mon travail, se défendit-il. Il perdait pied. Sa volonté fléchissait. Il n’avait jamais fait le poids. — La loi ?
siffla le pirate. La loi implique d’entasser des malheureux dans un
cargo pour les abandonner sur une planète non terraformée ? La
loi implique de les laisser crever de faim pendant le trajet ?
La loi implique que tu fermes les yeux ? C’était ce qu’il s’était toujours répété à chacun des voyages du Jameston. Des criminels. Harlock le gratifia d’un sourire narquois. — Vraiment ?
reprit le pirate. Les enfants aussi ? Il se redressa. Il était dans son droit. Il avait la loi pour lui. Il avait toujours suivi les règles. Jamais un écart. Ce n’était pas juste. — Je m’en sortais ! cria-t-il. J’avais des projets, j’avais un avenir ! Pour ma famille ! Pour Elysia ! Pour qu’elle soit heureuse ! Harlock ne réagit pas. Ma fille, salaud. Mon sang, mon avenir. Mais tu t’en fous, hein ? — Elle est partie, pirate, est-ce que tu comprends ça ? Elle a vu tes maudites images, elle a vu les corps alignés et elle ne m’a même pas demandé d’explications ! Elle est partie et elle a emmené ma fille ! Ses épaules s’affaissèrent. — Nous étions
heureux, termina-t-il en un souffle plaintif. Le pirate se leva
lentement, révélant son holster et le fameux cosmodragon. Une belle
arme. Racée. Élancée. Menaçante. Trop lourde pour être dégainée
rapidement. Harlock retomba en
arrière. Un éclat d’incrédulité brilla au fond de sa prunelle
valide tandis que son dos cognait contre le mur avec un bruit sourd. Il recula d’un pas, chercha instinctivement une issue, mais Harlock était trop rapide, trop entraîné. Lui, qu’était-il ? Un simple convoyeur. Un honnête homme. Pas un combattant. Et il n’avait jamais été un tueur. Il vit sa mort dans l’œil
du pirate. Pensa paniquer. Curieusement, il se sentait plutôt
serein. Il ne l’avait certes que blessé, mais il était satisfait
d’avoir réussi à porter un coup au célèbre hors-la-loi, lui,
l’anonyme insignifiant. Peut-être même l’avait-il fait douter.
Peut-être. Un choc. Il tomba à
genoux. La douleur vint après. Intense. Irrévocable. Les ombres se teintèrent
d’un brouillard rouge. |
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